Petite Pause

C'est devenu une habitude ces derniers temps, je prends la plupart de mes pauses au café de Charlie. Cela me fait certes marcher, mais l'atmosphère est bien plus agréable que celle de la cafét du commisariat, surtout que j'ai l'impression que Jack m'évite, enfin on s'évite et décidément ça me fait beaucoup trop mal.
Et puis Charlie m'est très sympathique, j'en reviens pas que en si peu de temps on soit devenu amis. Parce-que oui, pour ma part je le considère déjà comme mon ami.
Malheuresement c'est l'heure de pointe et il est très occupé avec ses clients, surtout avec une vieille femme qui tente, je crois, de le draguer. C'est une habituée, et Charlie l'apprécie, de toute façon il apprécie tout le monde, et ne se formalise même pas qu'une dame d'un certain âge le regarde tout sourire, ou comme la dernière fois lui prenne la main et lui déclare qu'il a la peau douce. J'étais morte de rire, et rien que ce souvenir me refait sourire.

Charlie : Qu'est ce qui te fait sourire ma belle?

Moi : Oh, mais rien, voyons!

Charlie : ...

Moi (le plus adorablement possible) : Tu veux bien m'apporter une part de ton délicieux moelleux au chocolat?

Charlie me regarde en secouant la tête, alors que mon sourire s'agrandie. Et bien sûr, il m'apporte ma part sans plus attendre avec deux petites cuillères, et s'assoit en face de moi.

Moi : Dis tout de suite que tu te dévoue pour pas que je prenne trop de poid!

Charlie : Je n'oserai pas...

Et nous partons d'un franc éclat de rire. Je suis certaine que tous les clients croient que nous sommes ensemble, mais ce n'est pas le cas. En tout cas, je passe avec Charlie d'agréables moments, et je n'ai décidément pas hâte de retourner à mon bureau...

A l'armée et plus précisément dans mon groupe de soldats, j'étais l'un des meilleurs espions. Faut dire que le niveau d'espionnage que comportait mon unité n'était pas très élevé. Sûrement pour ça que j'était le meilleur... Pas rassurant cette histoire!
Je l'ai suivie.. Je sais c'est mal. Après tout, c'est moi qui ai poussé notre rupture et par la suite je l'espionne. Je l'avoue, niveau "Gentleman", sur le coup, je n'assure pas... D'habitude elle mangeait avec moi au cinquième étage, après notre elle n'était plus là, jamais, ni avec moi, bon un peu normal, ni avec personne d'autres. Une question me trottait dans la tête, où mange t-elle? Et avec qui? C'est deux questions en réalité....
Tout ce papotage pour en revenir à ce midi, elle était là tranquillement assise à son bureau entrain de travailler quand elle se lève et quitte le bâtiment. Etant une non-fumeuse, j'en conclus que c'est l'heure de son repas. Et maintenant je suis ici... Parce que je l'ai suivie!
Et me voilà dans le café, assit sur un tabouret assez loin d'elle, trop loin pour pouvoir réussir à entendre la conversation entre ce type et ma Junnie.

- Dégage de là toi!

Crie-je à un client qui allait s'asseoir devant moi, me bouchant alors la vue sur June.

Je sursaute. Non, cette voix ici, c’est pas possible. Il faut que je me fasse interner. Quoique avec Jack tout est possible. Je me retourne direct. Alors là je ne l'aurais vraiment pas cru capable d'aller jusqu'à me suivre! Son affaire de suicide c'est réglé bien vite, elle a dû sauter et je vais pas tarder à l'envoyer la rejoindre. Quelle idée de me suivre! Pour quoi faire? Je suis une criminelle peut-être? Et en plus il est vraiment pas doué ! Le coup classique du journal, l’innovation à l’armée ils connaissent pas ! Mes doigts se crispent sur la table. La seule chose que je pense, c’est qu’il est pas foutu de me parler depuis deux semaines et quatre jours, mais me suivre, alors là pas de problème !

« Qu’est ce qui se passe June ? » me demande Charlie.

Je dévie mon regard de Jack caché derrière le journal, pour refaire face à Charlie.

« Je crois que c’est Jack, assis là-bas. »

« Tu parles du boutonneux en costard, ou de celui qui tient un journal à l’envers ? »

« Le deuxième »

« Tu veux que j’aille lui parler ? »

« T’es marrant, tu veux lui dire quoi sérieusement ? »

Charlie rapproche sa chaise de moi, et me regarde droit dans les yeux.

« T’es dingue de ce type, alors soit tu rabaisses ta fierté tu te lèves et tu vas lui parler, soit c’est moi qui y vais, et c’est vrai, j’aurai l’air con. »

T'es dingue de ce type.

Etrangement, le fait qu'il annonce aussi clairement la vérité calme un peu mes envies de meurtre.

Je me rapproche à mon tour pour lui dire tout bas afin d’être sûr que Jack nous entende pas :
« On s’est séparé, il ne m’adresse plus la parole depuis un siècle et évite même de me voir, et maintenant il faudrait que, moi, j’aille lui parler, alors que j’ai envie de l’étriper pour le mal qu’il me fait et surtout pour cette idée stupide de me suivre ».

Charlie me fixe toujours, et je baisse les yeux. Je sens qu’il n’en faudrait vraiment pas beaucoup plus pour que je me mette à pleurer et j’ai horreur de ça. Il me relève la tête et j’avoue : « Tu risques de perdre une de tes meilleures clientes si ça s’arrange entre nous ».

« Je préfère une amie heureuse plutôt qu’une amie malheureuse qui m’oblige à faire des gâteaux au chocolat tous les jours »

Je me mets à rire. C’est vrai que Charlie ne faisait son moelleux au chocolat qu’une fois par semaine, préparant diverses tartes pour les autres jours. Seulement en période de déprime le chocolat est le seul ingrédient que j’avale sans me forcer… Conclusion : plus que des moelleux au chocolat au café de Charlie, et tant pis pour les autres clients!

Alors que Charlie affiche un grand sourire, son regard change soudain.

Qu’est ce qui se passe ?

» Petite question